Trois filles de leur mère by Pierre Louÿs

Trois filles de leur mère by Pierre Louÿs

Auteur:Pierre Louÿs [Louÿs, Pierre]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2011-02-06T05:00:00+00:00


Chapitre IX

Monter une pareille femme est un exercice plus dangereux que de chasser à courre sur une jument qui devient folle. À tomber de cheval, on ne risque guère de se casser un bras ou une jambe. Teresa donnait de telles ruades ou, pour parler plus juste, elle avait la croupe si fougueuse qu’elle manqua vingt fois de me rompre un membre plus précieux que n’est la jambe.

J’eus si peur que je me mis à penser avec une rapidité exceptionnelle, comme on pense à l’instant de mourir ; et je pensais à tout à la fois, même aux détails les moins urgents, que j’aurais eu le loisir de méditer le lendemain.

Je me disais :

1. Jamais je n’ai tant souffert même en dépucelant Mlle X… par-devant.

2. Elle va m’estropier. Que faire ? La maintenir ? Impossible. Mollir ? Plus difficile encore.

3. Qu’elle est belle !

4. Que je suis jeune et maladroit ! Je n’ai rien compris à son jeu. La nuit dernière, j’ai cru qu’elle mimait la passion pour exciter Charlotte, et sa comédie était vraie. Ce soir elle vient chez moi, elle se met nue sur mon lit, et jusqu’au dernier moment je ne sais ce qu’elle désire. il faut qu’elle me crie à tue-tête : « Le vois-tu que je suis en chaleur ? » J’en rougis. Je me sens honteux.

5. Elle fait de moi ce qu’elle veut. Hier, elle m’avait révolté. Elle revient ce soir. Je suis résolu à la mettre à la porte, et voilà comment la scène se termine ! Comment s’achèvera la nuit ?

Teresa reprit ses sens très vite : assez tôt pour me retenir où j’étais en elle. La plupart des amoureuses ont l’instinct de ce geste et ignorent pourtant que ces minutes où l’on s’attarde sont celles où leur amour est le mieux partagé. Teresa, comme toujours, savait ce qu’elle faisait.

Elle ne me demanda ni une parole, ni un baiser. Elle vit que je laissais une distance entre nos bouches. Elle sentit qu’involontairement je ne caressais pas son corps, mais que je la tâtais ; et cela la traitait de putain mieux que si j’avais répété le mot. Alors, trop adroite pour me souffler un imprudent :

« Dis-moi que tu m’aimes ! » qui serait tombé à faux, elle parut accueillir mon geste avec plaisir. Elle ouvrit les cuisses toutes grandes à ma main qui était pourtant distraite ; elle frémit du ventre, elle plissa les yeux et finit par me dire d’une voix aussi confuse que reconnaissante :

« J’ai inondé ton lit, mon amour ! »

Comment un jeune homme n’embrasserait-il pas la femme qui lui parle ainsi, dans ses bras ? II faut ne pas coucher avec elle, ou du moins… ne pas avoir vingt ans. Et la baiser de la bouche à la bouche passe tellement toutes les autres unions amoureuses que seulement, alors, Teresa mesura sa force contre moi.

Sûre d’elle, désormais, et ne craignant plus de se voir fermer la porte, elle sortit de la chambre.

Après quelques minutes qui me furent assez longues, elle revint toute nue, comme elle était partie.



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